samedi 6 octobre 2007

Acharnement anti allaitement en milieu hospitalier

Une jeune mère vient de m'écrire pour me faire part de son récit hallucinant anti allaitement vécu dans un hôpital.

Vous trouverez sous ma signature, posté ici avec sa permission, le récit fait par celle-ci des extraits d'une correspondance adressée à la structure en cause.

Qu'il soit rappelé ici que l'alimentation des enfants relève de l'autorité parentale (v. art 371-1 du code civil) et qu'à moins de mise en danger patente de ceux-ci, les parents sont donc parfaitement libres d'en décider.

Dans ce genre de situation, la plus grande fermeté s'impose : il n'appartient nullement aux personnels hospitaliers ou d'ailleurs à quiconque, d'intervenir en la matière.

Martine H-Evans

" Je vous écris suite à l'hospitalisation du 19 au 22 septembre de ma fille S., pour une véloplastie réalisée par le Prof. G. et son équipe. L'intervention nous semble une belle réussite, et j'en remercie toute l'équipe.

Je tenais à vous écrire pour vous faire part de notre expérience fort décevante concernant l'allaitement de ma fille. En effet, j'allaite S., âgée de 15 mois. Si je l'allaite toujours, c'est, comme vous vous en doutez, pour sa santé – suivant les recommandations de l'OMS, 2001 et du PNNS, Fev. 2005
[1] – et puis pour son plaisir, car c'est pour elle une belle joie que de téter.



Lors de notre séjour, j'ai été profondément déçue et choquée par le manque de soutien – voire même l'interdiction – vis-à-vis de l'allaitement, et ce dans un hôpital «pour enfants»!

A commencer par ceci: au début de mon séjour, une infirmière m'a dit: «l'hôpital étant un lieu public, vous n'avez pas le droit d'allaiter hors de votre chambre.» Elle a précisé: «il y a des hommes.» Je l'ai rassurée que cela ne me dérangeait nullement. Elle a répété, fermement: «l'hôpital est un lieu public, vous pouvez allaiter, mais il faut le faire dans votre chambre.»

Or, il n'y a pas, dans la loi française, d'interdiction d'allaiter dans les lieux publics. J'ai allaité partout à Paris: dans les parcs, les cafés, le métro, etc. C'est abhérent que la première et l'unique fois qu'on m'interdise d'allaiter, ce soit dans un hôpital d'enfants, un hôpital pourtant de bonne réputation, qui se doit de mettre la priorité sur la santé et le confort des enfants.
Avant l'intervention, on m'avait prévenue que S. aurait une sonde gastrique pendant quelques jours. Je voulais donc, dans la mesure du possible, tirer mon lait pour le lui donner par sonde, lui assurant ainsi une alimentation digeste, hautement protecteur, et parfaitement nourrissant.
Je me suis donc renseignée auprès du personnel avant l'intervention; quatre membres de l'équipe de soins m'ont dit que oui, il n'y aurait pas de problème. Une personne m'a dit qu'il faudrait faire des examens sérologiques de mon lait, mais ensuite une autre m'a dit que ce n'était pas le cas. Encore une autre personne m'a assurée qu'il y avait sur place le nécessaire pour stériliser les biberons de mon tire-lait. Les médecins plus jeunes m'ont dit qu'ils pensaient qu'il devrait être possible de mettre mon lait dans la sonde, mais qu'ils ne connaissaient pas le protocole.

Par contre, un anesthésiste, le Dr R., m'a dit catégoriquement qu'il était hors de question de mettre du lait maternel dans la sonde gastrique, que l'allaitement ne présentait pas grand intérêt au-delà des premiers mois de vie, et que, de toute façon, si j'allaitais encore, c'était surtout « pour mon propre confort psychologique ». Il a par la suite tenu le même discours à mon mari, lorsque j'étais en dehors de la salle.

Comprenons-nous bien: le Dr R., en tant que médecin, devrait être une personne de confiance qui veille au bien-être du patient et traite les parents avec respect. Or, il a démontré une complète ignorance des bienfaits de l'allaitement au-delà des premiers mois de vie; et ce, en dépit des recommandations de PNNS et de l'OMS. En plus, il s'est permis de m'insulter deux fois: directement, et ensuite auprès de mon mari.

Un autre docteur, haut placé, m'a dit, «mais, elle a quinze mois, votre petite, il serait temps de la sevrer!» Il s'est ensuite rattrapé en disant «enfin, cela ne me regarde pas.» C'est bien qu'il se soit rattrapé; cela dit, il ne convient pas à un médecin de décourager l'allaitement.

Revenons-en à la question de la sonde gastrique. Apres l'interdiction du Dr R., un autre membre du personnel m'en a expliqué la raison: un risque d'infection nosocomiale lorsqu'on transfert le lait maternel du tire-lait vers la pochette de la sonde.

Plus tard, en salle d'éveil, on m'a d'abord dit que oui, ce serait possible de mettre mon lait dans la pochette de la sonde. Puis, par précaution, le membre du personnel a vérifié avec l'anesthésiste de garde, qui a dit que ce ne serait pas possible, mais pour une nouvelle raison : la première alimentation post-opératoire s'écoule à un débit très lent, et reste donc dans la pochette de la sonde pendant 10 heures; mon lait, n'étant pas conditionné, poserait donc un risque. Cela m'a semblé logique (cela dit, ce devrait être possible de conditionner le lait maternel).

Par contre, j'ai observé dans la salle d'éveil qu'on a pris une bouteille de lait Gallia, on l'a ouverte, et puis on l'a versée dans la pochette de la sonde. Cette action n'a-t-elle donc pas exposée mon enfant à un risque d'infection nosocomiale? Il semble y avoir contradiction avec l'explication «nosocomiale» ci-dessus.

In fine, je m'étais bien résignée à ne pas mettre le lait de ma fille dans la sonde. J'ai cependant continué à tirer mon lait, pour assurer une continuité dans ma lactation. Au début du séjour, nous étions dans une chambre double, avec un frigo ou j'ai stocké mon lait. (Je l'ai ensuite ramené à la maison dans un sac isotherme, pour le congeler, pour qu'il puisse servir lors d'un prochain déplacement professionnel.) Par la suite, on nous a déplacé dans une chambre simple qui n'avait pas de frigo; il me fallait donc trouver un endroit pour stocker mon lait. J'ai demandé à un membre du personnel s'il y avait un frigo pour les parents. Il m'a répondu que non. Je lui ai expliqué la situation et il m'a proposé de garder mon lait (qui était dans un contenant fermé, conçu pour le stockage du lait maternel) pendant quelques heures dans le frigo alimentaire du personnel.

Peu après, un autre membre du personnel vient vers moi avec mon lait, et m'explique qu'il est absolument hors de question
de stocker mon lait dans le frigo. Je lui ai dit que ce n'était pas pour la sonde, mais pour le ramener chez moi, dans un sac isotherme. Elle m'a expliqué que «l'hôpital ne peut pas cautionner cette pratique» et m'a rendu mon lait.

Là, encore, j'étais abasourdie. Je suis souvent amenée à me déplacer pour mon travail. Dans n'importe quelle pharmacie, on trouve des produits pour tirer et stocker le lait maternel. J'ai stocké mon lait dans les frigos de centres de conférences, d'avions, d'hôtels... J'ai ainsi pu ramener à la maison du lait que j'ai tiré à Paris, mais aussi, du lait tiré lors de déplacements en Europe, au Singapour, et même, en Australie! Je n'ai jamais eu de problème pour stocker mon lait, et ma fille a bu mon lait décongelé avec plaisir et sans séquelles. Là, encore, je n'en reviens pas que l'unique fois qu'on m'interdise de stocker mon lait dans un frigo soit dans votre hôpital, et qu'en plus, on m'ait dit «l'hôpital ne cautionne pas cette pratique.»

(Voir en pièce jointe, la directive de la Mairie de Paris pour tirer le lait et le transporter pour les enfants en crèche.)

Pour résumer, lors de mon séjour dans le service ORL:

-on m'a interdit d'allaiter hors de ma chambre
-un médecin a déclaré catégoriquement que l'allaitement au-delà des premiers mois avait peu d'intérêt et servait surtout les «besoins psychologiques de la mère»
-un médecin haut placé m'a conseillé de sevrer ma fille, contrindiquant les conseils de l'OMS/PNNS.
-on a refusé de stocker mon lait
-j'ai du faire face à de multiples réponses contradictoires à la question du lait maternel dans la sonde gastrique de ma fille; il est clair qu'une confusion régnait sur le sujet.

J'ignore si ce qu'on m'a dit reflète les protocoles de l'hôpital, mais en tout cas, ce que je rapporte dans ma lettre reflète la réalité ce que j'ai vécu. Ce que j'en tire en premier lieu, c'est qu'il existe un manque de formation systématique du personnel sur l'allaitement maternel. Ce que j'en tire en deuxième lieu, c'est que, malheureusement, l'hôpital T. n'a apparemment pas mis en place des démarches pour (1) encourager et (2) faciliter l'allaitement (ou bien: si celles-ci existent, elles ne sont pas appliquées)...
."